12 Mai 2011
Dans le cadre du colloque qui se déroule les 12 et 13 mai dans la ville de Salon-de-Provence sur la musique et la résilience, le très célèbre neuro-psychiatre Boris Cyrulnik, auteur de plusieurs essais De chair et d'âme, Les vilains petits canards, Parler d'amour au bord du gouffre, Nourritures affectives entre autres, et le neurologue passionné de musique Pierre Lemarquis, auteur de Sérénade pour un cerveau musicien, ont présenté dans une conférence cette question du lien entre musique et résilience. La résilience est, en psychologie, la capacité à dépasser un traumatisme, à le surmonter et même à devenir plus fort après. Le colloque et la conférence ont pour but de montrer comment la musique intervient à ce niveau.
La soirée devait commencer à 20h30 mais il y a eu changement de salle et par conséquent un transfert de matériel en raison du nombre de participants dépassant plus que largement les prévisions du départ. Eh oui ! C'était sans compter sur l'extrême popularité de Boris Cyrulnik qui, à la fin de la conférence, signait des autographes et acceptait aimablement de poser et de se faire mitrailler avec une foule empressée voulant immortaliser ce moment ! Digne d'une star du ballon rond...
Donc avec un retard d'environ 30 minutes, accepté bien volontiers par les participants qui, sans cela n'auraient pas pu tous assister à la conférence, celle-ci commence par une intervention de Boris Cyrulnik. Ce dernier pose une problématique dont la réponse sera donnée à la fin de l'intervention : peut-on vivre sans musique ? Il présente une "biographie" de la musique chez l'être humain, en partant de sa vie intra-utérine jusqu'à la vieillesse et montre les différents niveaux auxquels elle intervient : attachement, transmission d'une culture et de messages moraux, discours social, psychologique, fonction métaphysique, synchronisation des émotions. Boris Cyrulnik continue son discours en présentant une comparaison des êtres vivants entre eux, plus précisément chez nos amis les animaux. Son discours, du début à la fin, est présenté de façon simple et claire, avec une analyse précise et un humour à toute épreuve. Les oiseaux ont une place de choix : goéland, rouge-gorge, perroquet, ce dernier faisant preuve de psittacisme, c'est-à-dire la capacité à répéter des mots, voire même des phrases sans pour autant en comprendre le sens. A la lueur de cette définition, il apparaît que certains êtres humains font d'ailleurs de même ! Ce qui explique beaucoup de choses...
Son intervention terminée, c'est au tour de Pierre Lemarquis de prendre la parole. Et là, on se dit qu'il est difficile de passer après la prestation de Boris Cyrulnik. Eh bien, il n'en est rien ! Avec autant de rigueur scientifique et d'humour que son confrère, ce neurologue-musicophile présente à travers divers exemples pris dans l'Histoire, de Beethoven aux sambas jouées dans les favelas brésiliens, comment certains musiciens ont effectué ce travail de résilience pour en sortir grandis dans leur art. Et tout cela appuyé sur un diaporama et une bande sonore qui mêlent Verdi et salsa endiablée, le tout agrémenté de peintures comme celles des préraphaélites ! Il amuse également toute l'assemblée lorsqu'il dit en plaisantant que la musique la plus élaborée des gibbons voit son aboutissement dans le haka des All Blacks néo-zélandais !
Au-delà de ce large panel, la question centrale n'est pas mise de côté et l'humour qui anime toute cette conférence n'empêche pas l'argumentation du discours par certaines anecdotes médicales où l'émotion est présente. Ainsi, Boris Cyrulnik donne l'exemple d'une femme touchée par la maladie d'Alzheimer et qui n'a plus de vie, et par là même son conjoint non plus. Elle arrive tout de même à échanger avec ce dernier à travers la musique. En effet, si cette personne est incapable de reconnaître son mari ou tout autre membre de sa famille, elle est capable de chanter lorsqu'elle entend des chansons de sa jeunesse : "J'ai deux amours, mon pays et Paris"... Une lueur d'espoir dans une triste réalité.
A la question posée : peut-on vivre sans musique ? une réponse. Celle de Boris Cyrulnik à qui je laisse le mot de la fin : certains ont pu le faire comme Che Guevara ou Sigmund Freud. Il ajoute cependant sous un tonnerre d'applaudissements "On peut vivre sans musique, comme on peut vivre sans amour, mais est-ce encore une vie ?"