19 Septembre 2011
La partie de cartes tirée de la pièce de théâtre Marius de Marcel Pagnol
Dans un petit village de la vallée des Baux, le Paradou, est né, voilà dix-huit ans de ça, un village de santons provençaux. Ce musée privé de 400m² d'exposition abrite une reconstitution d'un village d'antan comportant plus de 400 santons, 32 vieilles bâtisses et 50 000 tuiles faites à la main et une à une. Un total de 8000 heures de travail soit environ deux ans pour constituer cet ouvrage. Il a fallu deux maquettistes et quatorze santonniers (tous réputés) pour mettre en place ce musée.
En pénétrant dans ce village d'argile, on est projeté dans la Provence de Mistral, de Daudet et de Pagnol. L'effet n'est pas que visuel ; il est aussi auditif. En s'approchant de chaque moment de vie on peut entendre le bruit de la papeterie activé par un mécanisme, le galoubet et le tambourin accompagnant la farandole ou encore la partie de cartes qui se déroule dans la pièce de Marcel Pagnol, Marius, avec César, Panisse, Escartefigue et monsieur Brun. On entend résonner l'accent et l'emphase de ses typiques et sympathiques personnages avec la célèbre réplique de César : "Tu me fends le coeur !"
Si la reconstitution historique est rigoureuse, l'esthétique n'est pas en reste. C'est avec minutie, précision et charme que les monuments et santons ont été réalisés. Vous pouvez voir ci-dessous le visage d'une bohémienne et le détail d'un tableau (ne mesurant pas plus de 20cm sur 30cm car l'échelle du village est 1/16) représentant des femmes au lavoir.
Somme toute, une réussite historique, traditionnelle, culturelle et artistique.
Anne-Marie Sanchez (hôtesse d'accueil) et Célia Lefèvre (responsable polyvalente) ont bien voulu répondre à mes questions. Je vous reproduis l'interview ci-après.
Anne-Marie Sanchez, Agnès Forni et Célia Lefèvre s'occupent du musée. Agnès et Célia animent l'atelier des santons.
- Qui a créé le musée ?
"En 1993, un Belge amoureux de la Provence a acheté cette parcelle de terrain où il a fait construire le musée et le restaurant qui est à côté. Il en a confié la réalisation à Mike et Marithé Charvin et à quatorze santonniers dont la liste est affichée sur le mur. Mais depuis un an, le fondateur a pris sa retraite et a vendu le musée à un paradounais [nom des habitants du Paradou, ndlr] amoureux de la Terre de Provence."
- Que pouvez-vous me dire sur l'inspiration des personnages et le choix thématique muséographique ?
"Ce village est une création qui s'inspire des différents personnages et villages de Provence. Ainsi, on y reconnaît, entre autres, l'école de Saint-Pantaléon, les bories du Vaucluse, le moulin de Daudet, ou encore les carrières de Fontvieille. Par ailleurs, le fondateur voulait que tous les métiers du siècle dernier soient représentés. Il voulait montrer la Provence profonde axée sur les anciens métiers (vendanges, forgeron, etc.)."
Escartefigue, capitaine du Ferry-Boat (prononcé ferry-boîte par César) et les carrières de Fontvieille
- Quel est le public que vous recevez ?
" Le public est de tous âges. Les groupes scolaires et les seniors viennent jusqu'au mois de juin. Durant l'été, les touristes de toutes nationalités prennent le relais et à partir de la rentrée, on recommence ! A partir de novembre, on prépare Noël avec tous les locaux qui viennent voir les préparatifs. L'animation de Noël est une Nativité nouvelle tous les ans avec un thème différent chaque année".
- Et que comptez-vous faire pour cette année ?
"Cela n'est pas encore tout à fait défini, mais nous avons pensé peut-être à une crèche vivante."
- Y a-t-il d'autres animations que la Nativité pour Noël qui plaisent aux visiteurs ?
"Oui. Les gens viennent aussi pour les traditions. Quand ils viennent acheter leurs santons, on essaie de recréer les traditions de Noël donc on reconstitue la table avec les treize desserts, le cacho fio, le Gros Souper, le blé de la sainte Barbe. Cela revient beaucoup et les traditions sont bien ancrées."
Un repas villageois
- Que pensent les visiteurs de ce village de santons ?
"Les gens ne sont jamais déçus. Les personnes âgées sont souvent émues car ça leur rappelle leur jeunesse. Et quand les enfants sont accompagnés de leurs parents et de leurs grands-parents, ils leur racontent et expliquent ce qu'ils ont connu à leur époque. Et ça, c'est super ! A tout âge les personnes s'y retrouvent et ça leur rappelle soit leur enfance soit leurs grands-parents."
- Les santons sont réalisés en argile. Mais quels matériaux ont été utilisés pour les autres objets ?
"Toutes les maquettes sont en bois puis ce bois a été crépi à l'ancienne et pour donner de la couleur, on a peint par dessus. Toutes les tuiles ont été réalisées à la main et la créatrice s'est servie de son doigt comme gabarit."
- Vous proposez aussi un atelier pour mettre la main à la pâte. Vous pouvez m'en dire davantage ?
"Agnès et Célia s'occupent de l'atelier. On se sert de l'argile portée par les santonniers par sacs de 10kg. Ce sont des enfants qui viennent. A la fin, chaque enfant peut partir avec le santon qu'il a confectionné."
Un moule à santon utilisé pendant les ateliers. Il est séparé en deux parties. Lorsqu'on le ferme, on peut voir dessous le trou du centre qui sert de socle pour le santon et sur les côtés les rigoles pour le surplus d'argile.
- Et en ce qui concerne la technique de réalisation d'un santon durant ces ateliers ?
"Le moule en plâtre est en deux parties. On prépare un petit boudin d'argile qu'on écrase un peu pour que l'air s'en aille. On le place au milieu du moule et on ferme. En dessous, se trouve l'endroit où il y a la base du socle avec les rigoles pour récupérer l'argile qu'il y a en trop. Quand on l'ouvre, on sort le santon et l'argile reste dessus. On pratique l'ébarbage qui consiste à lever le surplus d'argile avec les mains ; on n'a pas besoin d'un couteau. Puis, avec le doigt, on lisse les intermédiaires mais normalement cela se fait avec un pinceau mouillé. Ces santons sont cuits dans des fours de potiers car ils ont besoin d'une cuisson très forte puis il faut toute la journée pour refroidir. Ce qui permet que le santon soit solide. Enfin, on le peint ce qui est une opération minutieuse et délicate. Quelquefois, pour faire les yeux, on coupe les poils du pinceau et on ne laisse qu'un poil."
J'espère que cela vous a intéressé. Dans de prochains articles, je vous proposerai des photos que j'ai prises de ce village provençal d'argile.
A suivre !